19/07/2008

Pour en finir avec "les blogs"

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

J’étais en vacances, ce qui signifie déconnexion et lectures d’autre choses que du net, j’ai donc raté de réagir à chaud à l’événement de début d’été, à savoir l’arrêt de Versac.
Nicolas nous dit qu’il en marre du torrent de commentaires suspicieux et passe à autre chose. Il a bien raison, moins en réaction de ce qu’il subit que pour la clarification qu’il opère. Versac n’est plus un blog, comme beaucoup de ces blogs “historiques” qui ont acquis leur notoriété, c’est un quasi-média pour ceux qui le parcourent et qui sont de plus en plus nombreux à ignorer ou faire fi de ce qu’il a pu être au début, à savoir un simple blog au sens où on l’entendait en 2004. Versac n’est pas Nicolas Vanbremeersch, lequel ne veut pas cultiver Versac comme un média, mais cultiver son identité à lui et donner de la valeur à ce qu’il écrit, pas que ce qu’il écrit nourrisse un objet qui s’éloigne de lui et que, donc, il liquide. Tout a une fin.
Dans le cas précis de Versac, qui se voulait un lieu non-partisan d’opinion, comme pour d’autres billets de blogs, il y a certainement de cette suspicion ambiante généralisée à l’encontre des médias, ainsi qu’une cristallisation qui veut vous obliger à choisir votre camp. Cela dit, ce n’est à mon goût qu’un élément d’amplification sur quelque chose de plus profond.


FredCavazza.net pose la question d’un changement d’époque pour les blogs ? Je crois que c’est déjà le cas depuis un bon moment et que si l’événement a de la force symbolique, il ne vient que sanctionner un mouvement bien établi. J’en marquerai volontiers les débuts, en France, quand Loïc Le Meur a lui-même fermé ses commentaires face à des torrents de commentaires ineptes et suscité des discussions assez similaires, avec notamment les idées de chartes et autres choses du genre. L’encadrement des discussions n’est pas spécifique au monde des blogs, c’est un problème d’éducation et de savoir-vivre en société. Les CGU sont une protection, les chartes, c’est de la pommade.
Oui, s’en est bien fini du gentil monde des blogs d’il y a cinq ans maintenant. Pour moi, le blog est un simple instrument, mais ce n’est pas ce qu’en pensent beaucoup d’internautes. Ce que ces fameux commentaires disent pointe surtout un problème de média (que certains blogs sont devenus, notoriété oblige) et en l’occurrence de marque. Tout méprisable que beaucoup de ce qu’on observe soit, il y a là une forme de confrontation sur les valeurs, et la projection de valeurs caricaturales du bloguing, à l’heure où les supports qui les reçoivent sont avant-tout des médias. De fait, la confusion de l’individu et de la marque-média qu’il a créé oblige, les attaques n’en sont que plus personnellement blessantes. Un blog est une marque et si le blog prend les atours du blogueur lui-même, ce dernier en devient une et en subit les conséquences.
Il n’y a pas une blogosphère mais des tas. Mais quand on parle de LA blogosphère, on parle implicitement d’un microcosme de personnalités supports numériques et le fait est que le classement Wikio affirme cette idée, entretien celle d’élitisme, d’entre-soi, alors qu’il est simplement caractéristique d’une sorte d’audimat. Il formule pourtant bien les blogs qu’il classe comme des médias et joue de la compétition, de l’audience, implicitement de la monétisation. Mais comme je l’ai dis, il y a quelques semaines, les blogs ne sont plus les conversations, elles sont aussi beaucoup ailleurs et classer les blogs ne veut plus dire grand chose d’autres que de ranger un certain nombre de médias numériques dans une case pratique et qui nourrit, en effet, l’idée de “blogueur influent”. Mais il n’y a pas de “blogueur influent”, il y a un média avec son éthique propre qu’il s’attachera donc à affirmer et cultiver.
La leçon de cette affaire, elle est donc qu’il faut veiller aux marques l’on crée et à la distance qu’elles ont d’avec soi. Mais pour nous tous qui produisons billets et commentaires, il faut aussi admettre de se détacher de quelque habitudes héritées des origines et balayer devant notre porte :
– On ne devrait plus parler de blogosphère, ni même de blog, simplement citer le média, ça entretien le quiproquo.
– On doit faire attention et ne pas confondre le média et l’homme qui y écrit quand on cite un billet.
– On doit réfléchir pour son propre compte à l’évolution de la marque perçue de son propre support et méditer sur ce que signifie d’afficher le mot “blog”. Ce mot a trop de sens pour trop de monde.
– On doit aussi se dire que ça fait un bon moment que, sur un vrai média, la politique de management des discussions est un vrai sujet, le genre de chose qui fait fi des codes d’usages établis il y a bien longtemps maintenant pour ce qui n’est pas un média de masse.
Oui, on a changé d’époque, ça fait même un bon moment. Merci à Nicolas Vanbremeersch de nous inviter à en tirer les conséquences.

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