30/05/2006

L'Internet est un bien commun, le web 2.0 aussi

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

C’était le gag de l’Ascension, bien résumé par Jeff Clavier, à savoir de découvrir que O’Reilly a déposé la marque “Web 2.0” dans le domaine des conférences et que certains de ses avocats un peu trop tatillons sont tombés sur la râble de sympathiques irlandais organisateur d’un événement sans prétention. Il n’en fallait pas moins pour que la blogosphère se lève d’un seul homme et qu’un O’Reilly embarrassé, soit au coeur d’une controverse qui touche l’image d’un acteur reconnu de l’open-source et du web 2.0.


Bon, O’Reilly n’a pas déposé “Web 2.0” en soi et a simplement cherché à protéger un de ses produits comme n’importe quelle autre boîte le fait chaque jour, sauf que le produit en question est un cycle de conférence sur le web 2.0.
Protéger le fait de discuter du web 2.0, c’est assez incongru. Certes cela relève d’un acte élémentaire de protection juridique et le réflexe professionnel de n’importe quel avocat normalement constitué. Mais, pour O’Reilly comme pour d’autres, quand on défend certaines valeurs comme l’open-source ou plus simplement que l’on souhaite avoir la sympathie des internautes, il faut accorder sa politique de protection intellectuelle avec sa philosophie générale, sans doute aussi brieffer efficacement ses avocats pour qu’ils portent le fer avec parcimonie.
L’Internet est un bien commun, c’est un écosystème d’innovation sur laquelle se développent maintenant nos société et notre économie. Remettre en cause ce terreau est devenu mortel. Cela n’empêche pas Internet d’être fragile, comme on l’a vu l’an dernier à Tunis, ou comme en témoigne le lobbying actuel des opérateurs US contre la neutralité de l’Internet. Il n’a jamais manqué de candidats à penser que la chose est à saisir.
Ce n’est évidemment pas l’avis de la masse des internautes et d’un secteur où l’innovation est toujours venue du terrain. Son essence même est tirée du fait que le réseau et ses normes soient un bien commun.
On comprendra donc qu’il est aussi on ne plus pertinent et logique que le web adopte lui aussi un jeu de standards ouverts, un autre bien commun, afin de garantir là encore la solidité et la fertilité de l’écosystème.
C’est exactement ce qui se passe avec le web 2.0, devenu un couple avec le mouvement d’adoption de standards web d’un côté et la vague de services “2.0” de l’autre. Toute cette dynamique s’appuie sur un consensus mixant technologie, ergonomie et modèles qui est le terreau, le terrain de jeu sur lequel pousse actuellement une nouvelle vague de startups comme le réseau n’en avait pas vu depuis 6 ans.
On comprend alors bien que le web 2.0 n’appartient à personne, ou plutôt à tout le monde, que c’est l’essence même de la dynamique d’innovation et de croissance de l’économie IT et qu’il est donc insupportable qu’il puisse y avoir quelqu’un qui ose prétendre s’en approprier quoi que ce soit. C’est un peu comme ces labos pharmaceutiques qui voulaient breveter les principes actifs de plantes connues et usités en Inde ou ailleurs depuis des générations. C’est aussi le cas de certains brevets logiciels déposés aux USA, qui viennent se placer sur des choses anciennes et dont la légitimité est plus que douteuse, sauf pour faire des procès (mais c’est peut-être aussi une logique écosystémique…). Cela est perçu comme du vol.
Cette histoire a au moins eu le mérite de constater une nouvelle fois la capacité d’indignation et de mobilisation des internautes et plus particulièrement de leur frange active. Car c’est bien eux qui sont la source créative, mais aussi la clientèle, et qui savent finalement assez bien défendre leur bien commun et leur exigence éthique vis-à-vis de ceux qui en tirent parti.

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