25/03/2008

Petite histoire du social-graph, en attendant la suite

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

Comme je l’expliquait hier, les mondes numériques et tout particulièrement les réseaux sociaux son en plein empirisme et le feuilleton de l’année autour du social-graph en était une parfaite illustration. On sait aujourd’hui qu’il n’y a pas de social-graph unique et que la réalité est beaucoup plus compliquée. Je vous réserve cet aspect pour un prochain billet, mais en attendant, je vous propose une lecture un peu particulière de cette histoire, où comment la réalité s’habille pour qu’elle porte le modèle, pendant un certain temps en tous les cas …


La grande idée de Marc Zuckerberg (de Facebook, pour ceux qui l’ignorent encore) était que l’individu numérique développait un social-graph unique, représentatif de son tissu relationnel numérique et, qu’accessoirement, le couplage de tout ces graphs serait représentatif de l’humanité numérique.
Le social-graph n’est pas spécialement une création de Facebook. C’est une forme de représentation du réseau de relation que l’écosystème Facebook a permis de fabriquer sur la base du friend-feed qui, lui, est une innovation de Facebook. Le terme de social-graph est cependant bien sorti de la bouche de Zuckerberg, dans un élan mystique qui a aimanté toute l’industrie.
Cela dit, le social-graph était aussi une représentation bien à propos pour justifier le modèle de Facebook, celui d’un environnement couvrant l’étendu des besoins socio-numériques de l’individu, avec l’écosystème applicatif comme armement de cette ambition.
À peu près au même moment, Google a eu sa propre lecture du social-graph, et de ce sur quoi il s’appui (le friend-feed), en positionnant Open-Social, décomposant l’individu numérique en une identité, un friend-feed et un social-graph toujours unique, mais au service d’un ensemble d’applications sociales interconnectées et pas d’un environnement unique peuplé d’applications.
Le fait est que Zuckerberg a tenté de monétiser son idée avec Beacon, mais que les utilisateurs n’ont pas aimé du tout et qu’entretemps on s’est rendu compte que le social-graph n’existait pas et que l’individu numérique se caractérisait par plus de complexité et une organisation plus fragmentée de son tissu relationnel.
Ainsi, Dominique Cardon nous a montré qu’il n’y avait pas d’idendité numérique, mais une démultiplication au travers de facettes mixant un moi réel ou projeté et son soi ou ce qu’il produit (désolé, je simplifie). Bref, exit le social-graph unique, place à un modèle où l’individu en a plein. Qui plus est, ils ne sont pas miscibles, ce que je ne constate que trop bien personnellement en élargissant le web à ce qui se passe dans les organisations et autres sphères des différents contextes dans lesquels nous évoluons. Les utilisateurs mettent des barrières plus ou moins étanches en fonction de ce qu’ils font dans les différents contextes où ils le font.
Cette vérité s’est à la fois révélée dans l’analyse, mais aussi dans les attentes des utilisateurs, un peu trop à l’étroit dans leur social-graph uni alors qu’ils avaient pleins de sens différents parmi leurs centaines d’amis et d’applications pour en nourrir les relations. De fait, à l’heure où Amandine fait un billet sur Moli, qui ne propose rien moins que ça.
On pourrait penser que c’est une réponse à la démultiplication des facettes, sauf que celles-ci sont plus plurielles que ne veut bien le permettre une interface permettant simplement de granulariser ses amis dans des sous-espaces séparés. C’était ce qu’on attendait d’ailleurs de Facebook, qui a fini par le permettre ces derniers jours, sauf que ce n’est plus vraiment le problème. Il se situe en fait dans sa position de réseau social à tout faire, sauf que ses utilisateurs dessinent un périmètre plus resseré et, de fait, replace Facebook et consors dans un contexte interapplicatif auquel il devra bien finir par se plier.
La mode passée, on se rend petit à petit compte que Facebook n’est pas au centre et que, d’ailleurs, de centre il n’y a point, puisqu’il varie selon la sensibilité propre à chaque utilisateur du réseau et de la manière dont il se projette sur la carte de ses interactions sociales traduites en usages socio-numériques et des plateformes où il les exerces.
Pendant ce temps, Google a enfoncé le clou avec DataPortability group et pas plus tard que ces derniers jours, tout cela a pris corps autour de quatre briques : l’identité sous l’angle de l’authentification (OpenID) et du profil (hCard), le réseau (XFN & FOAF), enfin l’autorisation interapplication (OAuth). Tout cela est déjà en application, y compris sur ce blog.
La question qui est en train de se résoudre, c’est donc celle qui oppose le modèle du réseau à tout faire, dont on entrevoit aujourd’hui qu’il repose sur une idée assez grossière de l’individu numérique, et celle plus ancienne, de bouquet de services numériques interconnectés.
On a peut-être été un peu impatient d’attendre les standards d’interconnexion et cela nous a amené à être séduit par des environnements intégrés. Finalement, je me demande dans quelle mesure ils n’ont pas servi d’accélérateurs pour sortir du blocage interapplicatif. S’il se révèle que les individus envisagent bien leur vie numérique comme granularisée, je doute qu’un service à tout faire soit la solution. Après tout, nous adorons changer certains de nos jouets et restons fidèles à d’autres, mais nous adorons surtout avec du choix et du renouvellement dans ce choix.
Maintenant que j’ai dis tout ça, vous penserez inévitablement à Yahoo! et vous vous direz que la bataille en cours a sacrément du sens. Surtout quand on voit ça.

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