16/12/2008

Le web : jugé coupable

Author: Romain Dehaudt, Head of Revenue & Operations

J’ai peu blogué ces deniers temps. j’étais très occupe, mais j’étais aussi assez sidéré par ce qui se passe sous nos yeux concernant notre terrain de jeu.
Lors du web 8, la semaine dernière, nous avons assisté à un bel exercice collectif de démystification de la crise, sanctionné à ce titre par un propos pragmatique et clair de Maurice Levy. Je lis ici où là des avis mitigé sur le web 8, personnellement je crois qu’il faut remercier plus d’une fois Loïc pour cet événement, car celui-ci a un immense mérite : aborder le web et son économie sous un angle progressiste et positif. Car, comme je l’ai dis il y a quelques semaines, le principal risque qui pèse sur nous n’est pas la crise, mais la façon dont celui-ci, la société de l’information en générale et l’économie de la connaissance française en particulier sont sur le grill du pouvoir. Et Eric Besson, venu faire illusion mercredi matin, n’y change rien. Son plan a déjà gagné une contradiction bienvenue.
Hier soir, la vidéo en ligne a échappé une seconde fois à l’idée d’une taxation, mais elle a gagné le projet de passer sous les fourches caudines du CSA. Ça me rappelle mes tous débuts dans l’industrie, quand il fallait déclarer un service audiovisuel. C’était au siècle dernier. Ça c’était à l’assemblée, mais au Sénat, qui a déjà validé Création et Internet, il y a aussi cette extension du délai de prescription spéciale web et qui préserve les “entreprises de presse”. Je ne sais pas vous, mais j’ai un peu l’impression d’être dans un no man’s land avec les obus qui sifflent au-dessus de ma tête.


Moi, je comprend bien qu’il faille faire gaffe aux pédophiles et promouvoir le contrôle parental par des spots caricaturaux, sauf qu’avec le feu croisé des textes en préparation (Ministère de la Culture, Ministère de l’Intérieur, amendements au débotté) on assiste à un feu croisé sécuritaire sur le web qui ferait passer les talibans pour de doux anges rêveurs. D’ailleurs, Nadine Morano est en train de gagner un petit nom bien révélateur de ce discours de peur qu’elle nous martèle depuis un bon moment maintenant. Il suffit de traverser la manche pour avoir un avant goût des effets de bords qui vont bientôt nous concerner, avec des FAI asservis.
Dans ce contexte, l’épisode du reportage à charge sur Facebook est un écho impressionnant du truc. Et encore ça, ce n’est rien. Sur France Info, en rentrant ce soir, j’écoutais interloqué la présentation d’un DVD actuellement en road-show dans les collèges, venant expliquer aux élèves les dangers du web social. On y parlait d’usages qui “isolent”, qui “coupent de la réalité” et autres joyeuseté enfonçant des idées reçues pourtant démontées par moults travaux de sociologie. Mais, évidemment, RIEN, apparemment, qui soit porteur d’une mise en oeuvre positive et porteuse des usages numériques, en terme de développement personnel, d’apprentissage de la relation aux autres, du développement de l’écrit, et j’en passe. L’impression que le but est de faire en sorte que nos têtes blonde fuient les écrans et se téléportent il y a 50 ans. Effrayant.
Alors, le web se lève, le web gueule, le web gagne un contre-reportage sur Facebook, sauf que tout cela se passe … sur le web. Nous sommes toujours invisibles.
Pendant ce temps, les médias de masse embrayent la Moranoïa et AUCUN, je dis bien, AUCUN discours ne vient porter un point de vue progressiste sur le réseau. De fait, il est tentant de devenir manichéen et de relancer la guéguerre des anciens et des modernes dans les médias, en tous les cas vis-à-vis de la télé. La presse a, j’ose espérer, déjà donné.
Car, fondamentalement à qui s’adresse ce discours ? Presque les deux-tiers des français sont connectés et d’ici trois ans, notre beau pays aura atteind le plafond de pénétration de 75% de la population. Télérama nous expliquait semaine dernière que les familles françaises étaient peuplés d’écrans, illustrant la mutation de la cellule familialre à l’ère numérique. Les français utilisent le web en masse et le web 2 tout autant, comment reçoivent-ils ce discours ? Ce que je sais, en tous les cas, d’expérience, c’est que s’ils y trouvent satisfaction, ils n’ont pas nécessairement la compréhension que nous avons en terme de potentialités et de concepts de progrès. Mais ça, ce n’est pas ce que les médias de masse et les actions engagées par nos institutions leur explique, malheureusement.
Comme je le disais chez ReadWriteWeb, s’il y a une fracture, elle n’est pas générationnelle, elle est institutionnelle. La société de l’information est partout, sauf dans nos institutions et singulièrement au parlement. L’Internet n’est qu’un moyen et ce qu’il éclaire comme changement pour la société et l’économie n’existe pas. Ce n’est pas compris.
Moi qui baigne depuis dix ans dans la vérité d’une mutation porteuse de démocratie et de progrès économiques puissants, portés par de nouveaux modèles d’organisation et de travail, je regarde d’un côté des territoires qui s’en saisissent et qui, je le sais, vont franchir un pallier, et de l’autre une grande crispation, si pas la tentation à écraser le phénomène. Le changement se produira, cela ne fait aucun doute, mais que de temps perdons nous, quel retard allons-nous accumuler ?
Non, décidément, la “crise” est le cadet de nos soucis. Nous avons des convictions et des certitudes de progrès, elles ne sont pas partagées parmi ceux qui nous gouvernent, y compris à l’échelon local. La planche est en train d’être bien savonnée et si l’on n’y prend garde, on risque d’avoir à se battre contre un paquet de préjugés et de messages rétrogrades.
La vraie crainte, c’est le constat de voir des textes réglementaires peuplés de ce que d’aucun considèrent comme des choses anticonstitutionnelles et de ne voir PERSONNE se lever. Ceux qui se sont levés sur Edvige lisent-ils ce qui leur passe sous le nez ? On peut se poser la question. Y aura-t’il 60 parlementaires pour saisir l’institution suprème, pour voter pour la société de l’information et l’économie de la connaissance ? Pour l’instant, il n’y a personne …

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